hogwarts : a history
- Trois-cents Gallions, Mister Mortician et c'est mon dernier prix !Il se foutait de ma gueule. Il se foutait royalement de ma gueule.
Face à moi se trouvait Mister Spencer, homme d'une bonne soixantaine d'années bien tassées qui avait fait appel à mes services. Lors de mes négoces, j'optais toujours pour donner le nom de jeune fille de ma mère, ce qui me protégeait quelquefois envers des clients mécontents. Comme celui-ci visiblement. Savait-il au moins ce que j'avais enduré ? Ce que j'avais vécu durant ce laps de temps qui m'avait éloigné du domaine familial ainsi que du château protecteur ? Il n'en savait rien. Il n'en savait foutrement rien. J'étais face à un homme dont la bonhomie n'avait d'égale que son embonpoint, il ne partirait jamais à l'aventure. Sûrement pas les
miennes.Lentement je dévoilais mon visage dans ce lieu de rendez-vous qu'était la Tête de Sanglier, lieu miteux qui collait parfaitement à mes petites affaires. On ne me posait pas de questions, je n'en posais pas non plus. Le deal était parfait. Mais face à ce sexagénaire récalcitrant, le résultat de ma transaction serait stérile si je n'y faisais pas gaffe et perdre autant d'argent ne jouerait pas en ma faveur. Je devais démontrer malgré mon jeune âge qu'il était difficile de me résister et que je gagnais toujours.
Souvent.
Earl -de son prénom-, pouvait à loisir détailler les marques présentes sur mon visage, signes ostentatoires que j'avais failli y laisser clairement ma peau. Mon arcade sourcilière gauche était fendillée, ma lèvre aussi tandis que mon nez d'habitude droit et bien fait, se retrouvait brisé en deux endroits, résultat d'une rixe à laquelle j'avais du me plier pour récupérer ce que voulait mon client. Et le client a toujours raison. Et possède l'argent.
Normalement.
- Je crois que vous vous foutez sérieusement de ma gueule ! Haussais-je le ton tout en le fixant à loisir pour qu'il se rende compte de son infamie en me proposant seulement trois-cents Gallions d'un geste désinvolte.
Les personnes présentes s'étaient retournées face à ma voix qui avait coupé court au silence morbide régnant en maître dans ce sanctuaire. Earl était visiblement mal à l'aise car il avait la fâcheuse tendance de faire tourner son verre entre ses gros doigts, bien qu'il n'avait pas touché à son breuvage durant tout le temps que prenait notre échange verbal. Il n'osait pas me regarder, fuyant mon regard tandis que je le fixais de mon regard sombre sans ciller. Il n'avait pas cette audace que je retrouvais dans certains de mes clients. Il avait cette Peur qui le consumait de l'intérieur mais il devait passer outre, car je ne perdais pas mon temps.
Je ne perdais jamais mon temps.
La main sur ma baguette et le soupir passablement irrité au bord des lèvres, je toisais cet homme qui devait payer son du. Dans la poche gauche de mon manteau se trouvait l'objet de son désir qui m'avait valu de me rendre jusque dans la province de Hebei en Chine et de me frotter aux quelques sorciers locaux , très mécontents de ma venue sur leur territoire. D'où les quelques contusions présentes sur tout mon corps qui seront à elles seules, un envoi direct à l'infirmerie de Poudlard ou un séjour prématuré à Sainte-Mangouste.
Dans la poche droite de mon manteau se trouve un des cadeaux offerts par mon père lors de mon onzième anniversaire, une montre à gousset que j'avais ensorcelée afin que personne ne sache sa valeur et ce qu'elle y cache. J'y garde précieusement une photographie de mes parents, Solomon Borgin et Milicent Mortician. Ainsi qu'Eneas, ma copie conforme.
Mes géniteurs se rencontrèrent à Poudlard, mon père étant un sorcier dont l'ascendance était de Sang-Mêlée -purement banale- ainsi que ma mère. Je ne sus jamais vraiment le pourquoi de leur rencontre, ni comment ils purent tomber amoureux l'un de l'autre. Ils étaient l'exact opposé l'un ayant été réparti parmi les rangs des Serpentards et l'autre parmi les rangs des Serdaigles, mais je vins au monde en Novembre ainsi que mon frère jumeau, Eneas. Évidemment ma chère et tendre mère ne fut jamais appréciée du côté paternel, son caractère ne concordant nullement avec celui ambitieux de mon père. Selon eux, c'était une ignominie pour mon père de s'être marié avec une femme de ce rang. Mais mon père visiblement rebelle -pour l'époque-, n'avait jamais écouté mes grands-parents et s'en était attiré les foudres.
Nous vécûmes donc, reniés par cette famille, dans une habitation modeste à Cardiff. A aucun de mes anniversaires ainsi que ceux d'Eneas, je n'eus la visite de mes grands-parents paternels, ces derniers nous détestant tout autant que notre mère. Ma mère était conciliante, et ne leur en voudrait jamais et ce même jusqu'à la mort de mes grands-parents paternels. D'une nature rêveuse et idéaliste, elle voyait le bon en chaque être humain. Contrairement à mon très cher père qui se mit à haïr ses propres parents et qui me conforta dans l'idée que moi aussi, je le devais. Et je le fis, à contrario d'Eneas qui suivait aveuglément les idéaux de ma mère.
Eneas, ma copie conforme. Mon jumeau.
Nous avions une enfance sans histoires, conscients de ce que nous serons plus tard. Enfin, j'étais persuadé d'être un futur sorcier illustre et célèbre comme mon père le voulait et non pas une personne sans aucune consistance ni ambition, comme le fut ma mère. Or Eneas, n'eut jamais la révélation de ses potentiels magiques, ni ne reçut sa lettre pour Poudlard d'ailleurs. Il était donc un Cracmol, chose impensable dans notre famille. Mes parents détestaient regarder cette engeance qu'ils avaient engendrée. Tout les deux. Il n'y aurait donc que moi qui foulerait les escaliers de cet immense château et qui y étudierait en ses murs. Ma copie conforme, mon Autre ne m'accompagnerait pas, celui qui avait grandi avec moi ne serait pas à mes côtés lors de ce grand passage de mon enfance à mon adolescence. Jamais je ne fus plus déçu face à cette vie qui pourtant ne faisait que commencer.
Et pourtant, j'étais loin du compte.
Eneas ne m'accompagna pas ce jour-là, lors de ma rentrée à Poudlard. Il était resté dans la demeure familiale, seul. J'étais donc accompagné de mes deux géniteurs vers cet inconnu qu'il ne me plaisait pas de rencontrer. Mon père m'avait distillé quelques informations sur ce château qui m'accueillerait et qui ferait de moi un sorcier émérite et puissant. Selon lui, Salazar Serpentard et sa glorieuse maison serait la meilleure chose pour moi. Car lui aussi, avait été chez les Vert et Argent. Cela ne pouvait être autrement, visiblement.
Mettre sur ma tête un vieux couvre-chef rabougri qui dicterait mes sept années à venir dans ce monde sorcier m'horripilait au plus haut point. Mais je devais m'y faire car c'était bien lui qui imposerait sa loi à mon encontre. Et sans nul surprise, je fus réparti dans les rangs des Serpents, que je rejoignis l'air soucieux et peu amène. Mes plus ténébreuses intuitions furent confirmées quand je reçus une lettre de mon paternel, le même jour de mon intronisation entre les murs de ce château.
Eneas est mort. Désolé Caleb.Ce furent les quelques mots qui me glacèrent le Cœur et le Corps. J'avais perdu la personne qui était la plus importante pour moi. Jamais je ne sus comment mon jumeau avait rendu l'âme, ni où était son corps. Mes chers et tendres parents ne me le dirent jamais, de peur de me faire encore plus souffrir. Mais je n'y croyais pas et surtout, je ne voulais pas y croire. Eneas n'était pas mort, ce n'était pas possible.
Il en était autrement. Il doit en être autrement.
J'évoluais donc parmi mes acolytes, ne me liant d'amitié -ou par amour- que par procuration et prétentieux égoïsme. J'avais eu l'idée lors de ma sixième année, en rapport avec le métier de négociant de mon père, de créer mon petit marché parallèle référent dans ce qui serait les artefacts en Magie Noire. Bon nombre de mes collègues, furent mes clients les plus éminents et les plus fidèles. Bien que d'autres maisons eurent vent de mon chalandage, ce qui ne les rebutait pas, bien au contraire. Au départ, mes transactions sordides se trouvaient au sein même de Poudlard et ce dans la Salle sur Demande, mais je voyais plus grand et les élèves ne me suffisaient plus. Je devais trouver plus d'argent et plus de sorciers, plus vieux. Nettement plus vieux.
Comme c'est le cas ici.
Mister Spencer, ne lâchait pas ses Gallions si facilement, mais j'en savais assez sur lui pour lui faire une bien triste réputation envers sa femme et ses deux jolies filles et même au sein de son travail où l'on pensait de lui qu'il était un homme d'une intégrité sans failles. Or, il se trouvait face à moi et il voulait ardemment ce pourquoi il m'avait contacté. Il devait mettre l'argent, c'était notre deal.
- Je vous avais informé par hiboux de mes tarifs, Mister Spencer. Vous étiez au courant du prix. C'est bien trois mille Gallions et non trois-cents.- Je ... Vous êtes tout de même cher. Je ne sais pas si je peux me permettre une telle somme.C'était pathétique. Vraiment.
- Vous savez de quoi je suis capable, pour parvenir à mes fins et vous n'aimeriez pas que votre charmante femme soit au courant de vos quelques débâcles nocturnes ... Je fus d'ailleurs outré en les apprenant.- PETIT CON !- On me le dit souvent. Souris-je tandis que furieux, il mettait la main sur sa bourse de cuir pour en prendre l'argent.
Mon sourire s'agrandit d'autant plus quand je vis la somme s'étaler sur la table de bois meurtrie par les âges. Trois mille Gallions. Tandis que je m'emparais de la monnaie dorée, un soupir d'extase au bord des lèvres, je faisais glisser l'enveloppe de cuir près de mon client. Suspicieux, il l'ouvrit tout de même, un soulagement présent dans son regard. L'artefact de magie noire valait bien son pesant d'or et mon visage tuméfié.
- J'espère ne pas le regretter Mister Mortician.- Jamais. Et je vous reverrais bien plus vite que vous ne le pensez, Mister Spencer. Soyez-en certain.Je tendis ma main. Il s'en empara fermement, conscient à juste titre qu'il était passé du côté obscur dès l'instant où on l'avait mis en contact avec moi et qu'il avait fait appel à mes services. Pauvre type. Mon regard sombre suivait sa progression jusqu'à la sortie de l'établissement. Il n'avait pas touché à son verre, encore moins quand la transaction s'était terminée. Mister Spencer s'était enfui aussi vite qu'il était venu et j'allais faire de même.
Remettant la capuche noire de ma cape qui occultait mon visage, je fermais la montre à gousset qui était seule garante de mes souvenirs et de ce que j'étais. La remettant à son endroit initial je sortis du pub miteux, non sans un sourire satisfait présent sur mes lèvres. Ma petite affaire deviendrait grande, j'en étais persuadé. Et l'on parlerait de mes exploits à travers le monde, je serais la référence pour la Magie Noire et les sorciers les plus ténébreux que pouvait compter la planète se bousculeraient à mon enseigne.
C'est simple.
Demandez et je trouverais.